01-15-2024 10:47 AM
Des AIkus pour le dire…
Comme l’a si bien dit Rabelais, dans Pantagruel, en 1532 ; « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Un accord provisoire vient donc d’être trouvé, entre les pays membres de l’Union Européenne, visant à clarifier et établir de nouvelles règles d’utilisation de l’intelligence artificielle ; ainsi, sont notamment interdites les manipulations comportementales, l’exploitation des vulnérabilités, les évaluations individuelles suivant certains paramétrages et limité l’usage par les forces de l’ordre des contrôles d’authentification et d’identité biométriques.
De fait, alors que l’IA fusionne humanité et technologie, les tenants et les aboutissants de la prise de décision responsable se trouvent aussi quelque peu brouillés, l’automatisation échouant généralement à intégrer des aspects émotionnels ou de gradations.
Plus précisément, on apprend de la machine, entraînée sur la base de données, sur lesquelles tout individu concerné doit pouvoir exercer son droit de regard – notamment dans les cas avérés de détournement, d’exploitation malveillante ou encore de vol pur et simple. Il y a partant un service d’IA à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés.
On apprend plus généralement avec l’algorithme, que nous pouvons apprivoiser au gré de nos nécessités, tout en préservant notre créativité. L’intelligence ou la capacité d’adaptation, de compréhension et de connaissance résidera consécutivement davantage dans la propension à expérimenter ces technologies dans des contextes précis, tout en évaluant leurs limites. Une telle démarche est garante du mérite de se faire sa propre idée de tels dispositifs, sur lesquels nous projetons plus ou moins consciemment - et surtout par peur de l’imitation « parfaite » - souvent davantage nos préjugés que nos aspirations…
L’enquête
C’est dans cette perspective que nous avons demandé - via notre réseau LinkedIn, la plateforme d’études de marché et d’opinion MarketAgent, ainsi que la communauté en ligne SurveyCircle pour l’entraide en matière de recherche par questionnaire – de désigner parmi quatre poèmes celui dont le seul auteur est ChatGPT ; deux haïkus sont de notre fait alors qu’un troisième résulte d’une co-conception Humain – IA. Le groupe de participant.e.s témoin apparaît au travers de la seule étude trouvée à ce jour à ce sujet ; une étude comparative réalisée par Yoshiyuki Ueda - maître de conférences à l’Institut universitaire pour l’avenir de l’homme et de la société à Kyoto - intégrant trois types de haïkus ; ceux seulement générés par l’IA, ceux composés par hybridation (l’humain collabore avec l’IA) et des œuvres de poètes professionnels. Cette recherche a plus particulièrement mis en avant un biais cognitif correspondant à la tendance à évaluer négativement les haïkus qu’elles ou ils – 385 participant.e.s devant chacun examiner quarante tercets, dont vingt seulement générés par IA et vingt co-écrits, à mettre en regard de quarante autres œuvres exclusivement humaines – considéraient comme étant la seule production de l’IA…
Pour notre part, avec 255 répondant.e.s - la marge d’erreur est de 4 % pour un niveau de confiance à 95 % - nous trouvons également des scores similaires d’évaluation, quant à l’auteur du poème, pour une œuvre de notre fait et le seul tercet généré uniquement par ChatGPT. C’est aussi le haïku résultant d’une collaboration humaine avec l’algorithme qui est le plus apprécié.
Cependant, là où les résultats diffèrent c’est lorsque nous nous intéressons à l’échelle comparative d’appréciation des haïkus de notre fait relativement à la composition de la seule machine ; la préférence pour l’IA est plus que manifeste… Jusqu’à vingt points d’écart ! De surcroît, lorsque les haïkus sont évalués par paire, la pièce poétique considérée comme étant la seule composition de ChatGPT – que cela soit vrai ou pas – est systématiquement préférée à l’autre.
Cognitif, conatif, esthétique ; le futur sera hybride ou ne sera pas…
Même si des outils tels que ChatGPT AI Text Classifier, DetectGPT, GPT Zéro,… voient difficilement le jour pour lutter contre le plagiat de l’IA, la prise de recul par rapport aux notions d’appréhension ou encore de consentement peut s’inscrire dans l’interaction. Dans une vidéo, par exemple, Cyril North décrit son expérience gênante après l’achat d’un robot sexuel, seulement configuré pour n’accepter d’avoir un rapport qu’après discussion (https://www.20minutes.fr/by-the-web/4013537-20221206-consentement-ia-culture-viol-derniere-video-cyr...). Dans un cadre plus poétique, la blogueuse Erwelyn – dans ses chroniques terriennes – demande tout bonnement à ChatGPT de se décrire en mode haïku (https://chroniquesterriennes.com/2023/04/conversation-et-creation-par-lui-meme-avec-chatgpt.html). La conscience réflexive est par là même présente dans ce type de chatbots intelligents.
Malgré tout, l’individu n’expérimente de tels assistants conversationnels intelligents qu’avec ses propres représentations, son propre substrat culturel ; comme dans Vague IA à l’Élysée, manifeste pour la présidentielle 2022 – aux Éditions de l’Observatoire – la chercheuse au Laboratoire CNRS d’Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l’Ingénieur et professeure en intelligence artificielle Laurence Devillers préconise « de développer des systèmes dans toutes les langues ». Concernant notre enquête, nous n’avons, d’ailleurs, pas souhaité traduire les haïkus en anglais – lorsque la demande a été formulée – tout comme dans la culture japonaise il n’est pas inhabituel d’associer un esprit à un objet...